Bactéries, molécules, atomes : Les disques durs de demain


Avenir du disque dur

Le silicium a-t-il du souci à se faire ?

Les chercheurs du monde entier travaillent à son remplacement dans les disques durs de demain. Et ils regardent notamment vers le monde du vivant pour trouver de nouvelles solutions de stockage plus denses et plus durables.

Les bactéries intègrent et répliquent les données

Dès 2007, des scientifiques japonais ont expérimenté le stockage de données dans les cellules d’organismes vivants. Des informations ont été directement inscrites dans les gènes de bactéries – des bacillus subtilis, sous la forme de composés chimiques correspondant à des caractères. En se reproduisant, ces bactéries pourraient répliquer les données sur plusieurs milliers d’années sans altération, à condition qu’elles se trouvent dans un environnement aqueux. En 2011 à Hong Kong, ce sont les bactéries E.coli qui ont fait l’objet de manipulation de leur ADN pour y placer des données. Une équipe de généticiens d’Harvard a poussé le concept plus loin en 2016, en stockant un livre entier de science dans une colonie de bactéries via la méthode Crispr-Cas : la bactérie incorpore l’information dans une région spécifique de son génome. Il s’agit en effet d’une réponse immunitaire qu’elle utilise habituellement pour se protéger des infections virales, en enregistrant la « signature » du virus afin de s’en souvenir en cas de future attaque.

Si une bactérie E.coli ne peut stocker qu’une centaine d’octets, une colonie d’un gramme peut en absorber 900 To ! La lecture des données s’effectue par génotypage de la bactérie, une opération qui ne peut s’effectuer qu’en laboratoire actuellement.

L’ADN résiste à tout

Microsoft a confié en 2016 à la start-up californienne Twist Bioscience la fabrication de brins synthétiques d’ADN pour y stocker des données à long terme. Un signal fort d’un géant de l’informatique misant sur le potentiel des polymères pour pérenniser le stockage des informations. Ces dernières sont transcrites en paires de bases azotées (adénine, cytosine, guanine et thymine) pour être intégrées dans une molécule à la densité de stockage incomparable (jusqu’à un milliard de données par gramme !). Ultra résistant dans les conditions les plus extrêmes, l’ADN a une durée de vie de plusieurs milliers d’années, contre quelques dizaines pour le silicium qui compose les disques durs actuels. Le séquençage de l’ADN nécessite toutefois un coût financier encore rebutant pour envisager une application grand public, mais le stockage moléculaire pourrait être une solution fiable pour la conservation d’informations ne nécessitant pas de lectures et modifications fréquentes.

Les Français sont à la pointe dans ce secteur avec une autre solution prometteuse : les polymères synthétiques. Le CNRS propose en effet de remplacer les quatre bases azotées de l’ADN par trois monomères. Cette technique permet notamment de supprimer des données via une exposition à la chaleur. Des chercheurs de l’université de Manchester ont quant à eux réussi à stocker 25 To d’informations sur un disque dur minuscule (équivalent à une pièce de deux euros), composé de molécules modifiées pour conserver une charge magnétique grâce à un refroidissement à -213°C.

Le stockage atomique et chimique

En 2017, les ingénieurs d’IBM ont réalisé deux performances notables : concentrer 330 To sur une bande magnétique de la taille d’une carte SD, et surtout stocker des données dans un atome. Cette deuxième expérimentation faisait suite à des travaux de chercheurs néerlandais, qui avaient placé dans informations dans des atomes de chlore, de quoi diviser par 500 la densité de stockage. La lecture des données se fait dans les deux cas par un microscope à effet tunnel. Cette technologie nécessiterait un environnement parfaitement sain et une température de -195°C environ.
Dans le même temps en Pologne, on travaille sur le stockage chimique, avec des octets composés de gouttelettes en réactions constantes.